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SAMEDI Clac. La minuterie s’éteignit brutalement, plongea la cave dans un noir de tombe. — Mokhot, lumière ! Un énorme soupir chuinta dans l’obscurité. Des pieds hésitants raclèrent le sol de béton. — Grouille, Mokhot ! C’est rempli, là-d’dans, qu’on dirait les trous de nez de César ! — Ziva, toi ! Si ça se trouve, y sont plus propres que les tiens ! — Fermez-la, c’est pas le moment ! fulmina en sourdine la première des voix. Bon, Mokhot, tu dors ou quoi ? — Si tu crois que c’est facile, trouver c’t’ampoule dans le noir ! — C’est pas l’ampoule qu’il faut trouver, betterave, c’est l’interrupteur ! — Ben c’est pareil, hein, c’est l’truc à lumière, quoi. Ah ! J’crois qu’je l’ai… Mais au lieu de la lumière espérée un craquement sinistre retentit, suivi de chocs sourds, d’effondrements en cascade, de froissements violents, jusqu’à un ultime écroulement dont l’écho roula à l’infini dans les couloirs du sous-sol. Des rafales de jurons furieusement chuchotés prirent le relais. — T’es relou, Mokhot ! Qu’est-ce t’as fait ? Ce coup-là, c’est sûr, on s’fait choper par les Guerriers ! Y vont nous dépiauter tout crus… — C’est pas moi ! Ma parole, j’ai rien touché ! Mais il est où, c’intrupéteur ? Ah ! Clic. Le plafonnier grillagé projeta sa faible lueur sur une scène d’apocalypse. Une muraille de cartons pourris s’était écroulée, vomissant un bazar humide et hétéroclite, abandonné là par plusieurs générations de locataires négligents. Debout au milieu du fatras, quatre garçons clignotaient des yeux. Près de la porte de la cave, Mokhot avait toujours sa grosse pogne sur le déclencheur de la minuterie. Pour ses quinze ans le garçon était un colosse. Ses bras à la peau dorée semblaient deux gros jambons enfilés dans les manches de son tee-shirt. Son pantalon de survêt’ taille XXXL le boudinait. Sous la frange lisse et noire, ses yeux habituellement semblables à deux amandes effilées s’arrondirent d’horreur. Il murmura à nouveau, contre toute évidence : — Parole, j’ai rien touché… Les trois visages tournés vers lui exprimèrent l’accablement, tandis que Yassin résumait leur pensée commune : — Mokhot, t’es trop fort, mais t’es trop nul ! Les deux têtes rondes, rasées, noires et jumelles de César et Prosper approuvèrent d’un même hochement. — Allez, on se ripe, les gars. Si on veut une chance de sauver notre peau… — Mais, mon ballon… Un Mondial 2002, tout cuir… Le premier jour des vacances en plus… gémit Mokhot. — T’avais qu’à pas shooter comme un âne et à pas l’envoyer dans ce sous-sol ! Celui du Corse ! Y’a pas pire ! cingla Prosper — Ouais ! Si les Guerriers nous trouvent dans leur immeuble, c’est avec nos têtes qu’ils joueront au foot, renchérit César. — De toute façon, on ne retrouvera plus jamais rien dans ce chaos, confirma Yassin. En équilibre instable sur un pied, il tentait de gommer du doigt les traces laissées par les machins déversés sur ses précieuses baskets à double aération et semelle de latex expansé. Beau gosse et joli cœur, Yassin avait sacrifié une année de cadeaux de Noël et d’anniversaire pour ces chaussures de rêve au prix astronomique. Soudain, il se figea, le regard rivé dans le dos des jumeaux, fouillant l’ombre. — Il y a quelque chose, là. Ça a bougé ! César et Prosper eurent un même sursaut, pivotèrent d’un même bloc, scrutèrent le fond de la cave avec la même panique. — Où ? C’est quoâââ ? coassèrent-ils en choeur.
Une gauloise dans le garage à vélos
Édition originale au Rouergue 2003, réédition en Folio Junior Gallimard Jeunesse 2011 Prix des Incorruptibles 2005
Une Gauloise dans le garage à vélos
Dans le garage à vélos de la tour du Provence, pas de vélos… juste Chloé, neuf ans, échappée de son foyer d’accueil. Au sixième étage, quatre garçons, Yassin, Mokhot, Prosper et César, chez leur mère adoptive Mamadi. Attendris par la petite Gauloise, les copains ont décidé de la cacher. Mais ça ne va pas être facile. La police qui la recherche, un concierge imbibé, des dealers enragés… Et encore, tout ça n’est rien à côté du troisième œil de Mamadi !
Mon premier roman, commencé avec l’envie de me pencher sur des sujets plus drôles que les documentaires d’actualité et avec l’espoir secret de faire rire les enfants. Mon vœu a été exaucé, bien au-delà de mes rêves les plus fous !
Quelques avis sur le site Ricochet