Extrait
Zoé eut un hoquet de surprise et recula sur les pieds d’Aziz.
— Oh, fais gaffe à mes pompes ! brailla celui-ci. Des Mikes à 200 boules !
— Ça va, j’ai pas fait exprès, se rebiffa la blondinette. Tu vas pas nous gonfler pour des Mikes pourries ? Ce seraient des Renzo, encore !
Un coup de sabot sèchement frappé contre une porte les fit sursauter.
— Oui, ça vient, fiston ! répondit Amédée. Toi, ajouta-t-il en tendant un seau de graines à Aziz, donne cette avoine à Gringo.
Le jeune enfonça ses mains dans ses poches à en faire craquer son survêt.
— Ah non, M’sieur ! Moi, j’peux pas. D’mandez à l’autre bouffon, fit-il en désignant Maxime du menton.
L’œil du vieil homme étincela.
— C’est à toi que je le demande. Dépêche-toi, Gringo n’aime pas attendre sa pitance.
Amédée ouvrit la porte d’un box et y enfourna le garçon et le seau d’une poigne d’acier. De panique, Aziz sortit ses mains de ses poches. Amédée y fourra le seau et, tenant à distance l’impatient Gringo, il montra au garçon où verser les grains. Le Paint Horse se précipita, souffla sur l’avoine puis plongea le nez dans son déjeuner avec enthousiasme.
— Pas de quoi avoir peur, fit remarquer le vieil homme.
— Sûr ! C’est pas un canasson qui va me foutre la trouille ! répliqua Aziz.
— Tant mieux, parce qu’il y en a encore quatre, annonça Amédée. Tu aideras tes copains.
Groupés dans l’allée, les autres attendaient de voir dans quel état Aziz sortirait. Il prit l’air dégagé de celui qui nourrit les fauves au zoo chaque matin.
— Prenez les seaux ! ordonna-t-il. Grouillez-vous !
— Zoé, tu t’occuperas de Miss, dans ce box, intervint Amédée. Toi, Maxime, tu prendras Volga, la belle blonde qui est derrière toi. Myriam, vois si tu peux t’entendre avec Cheyenne.
Amédée désigna un très grand cheval noir. L’animal recula dans l’ombre.
— Il n’aime pas les gens mais c’est un bon cheval, précisa le vieil homme.
— Pourquoi ?
D’étonnement, tous se tournèrent vers la jeune fille en noir qui n’avait pas desserré les dents depuis 48 heures.
— Pourquoi quoi ? voulut savoir Amédée.
— Pourquoi il n’aime personne ? répéta Myriam.
Amédée haussa les épaules.
— Je l’ai acheté à des gens du cirque. Trop haut pour la voltige, ils disaient. Il était mort de faim. Il avait pris des coups. Depuis… il se méfie.
Myriam hocha la tête, empoigna un seau et s’avança vers le grand cheval noir qui n’aimait personne.
Devant la porte de Volga, Maxime avala sa salive. La jument comtoise était une splendeur, toute en rondeurs et en lumière. Sa tête aux crins blonds dominait le garçon mais, entre ses cils roux, elle porta sur lui un regard tendre qui le fit frissonner. Il se dandina d’un pied sur l’autre. La jument ronfla doucement. Le garçon tendit la main. Avec une délicatesse infinie, la jument l’effleura. De longs poils le chatouillèrent, puis ses doigts rencontrèrent le satin tiède et velouté des naseaux. En cet instant, et pour la première fois de sa vie, Maxime tomba raide dingue amoureux.
Cavalcades
Éditions Thierry Magnier, 2014
Félix aime par dessus tout les vacances au Clos Vert, ses grands-parents, les chevaux et la vie au grand air. Mais il n’apprécie pas de les partager avec des inconnus mal embouchés. Zoé, Myriam, Aziz et Maxime n’ont de goût ni pour la campagne, ni pour le travail, et pourtant ils doivent passer l’été à monter à cheval et à curer les écuries sous les ordres du vieil Amédée. C’était ça ou le centre éducatif. Devant le danger qui menace le Clos Vert, ils vont tout de même se démener, parce que des idées, ça, ils en ont…
Quelques pistes de lecture sur le site des Incos (sélection 5e-4e en 2015) et des avis de lecteurs et lectrices sur Babelio.
Kaboul, l’ami cheval des mes vingts ans, l’alezan
le plus futé à l’est du Rio Grande. Il m’a inspiré Tonka.