Quelques avis…
Pour son panache ! Ce roman dépeint le 17e siècle avec un réalisme époustouflant. mais c’est aussi une aventure haletante et très moderne, dont les thèmes, comme la condition féminine, interpellent le lecteur d’aujourd’hui. Avec son humour, ses quiproquos proches de la farce, on se croirait presque qu’au théâtre !
Perrine Parageau, Je bouquine, février 2009
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COUPS DE COEUR ROMAN 12-15ans
Une aventure de pirates au féminin ancrée dans l’estuaire de la Gironde. Un roman palpitant où les jeunes filles pour une fois ne sont pas les moins courageuses. Ce n’est pas tout à fait les trois mousquetaires version fille, mais vous verrez au fil des pages que l’on s’en rapproche ! Mesdemoiselles de la vengeance est une belle aventure de cape et d’épée (…) Tout au long du roman, le lecteur est happé par 1001 embûches rencontrées que Florence Thinard ponctue de clins d’œil à la France du XVIIe siècle. Roman d’aventure, d’amitié et d’amour, voilà des héroïnes qui ne laisseront en paix les jeunes lecteurs assoiffés d’espace, de chevauchés et de duels.
Lire un extrait
LA GROTTE
Né sur un tas de filets derrière une cabane de pêcheurs, fourré tout gluant dans une harde et confié à l’attention distraite de la Providence, Amédée Cazeau, dit le Cramé, n’avait reçu de la vie pour assaisonner sa ration de croûtes de pain et de têtes de poissons – outre un coup de brandon qui lui rongea le menton – que gnons, torgnoles, rebuffades et coups de pied au séant.
L’apparition d’Olympe d’Avremont, baronne de Haussy, un sourire tremblant aux lèvres, sourire à lui destiné puisqu’ils étaient seuls dans le couloir de pierre, fut la seule joie pure de son existence. À son dernier instant, quand la corde du bourreau brisa sa nuque crasseuse, le Cramé revit ce sourire et mourut heureux. Mais pour l’heure, il était bien vivant et réussit même à balbutier :
— On poin… pa… on passe point ! M’dame… Damoiselle… Heu… Vot’ Seigneurie.
— Je vous en prie ! Un instant seulement ! Pendant que le Commodore soupe… implora la jeune fille en joignant ses mains délicates. J’ai oublié d’écrire une lettre qu’il m’a demandée. Il me faut user de sa plume, sinon…
Le Cramé fourragea sous son bonnet mité, piétina d’embarras. Du pouce il désigna une porte de chêne massive, bardée de ferrures.
— Le Commodore a dit « Personne passe ». Et personne, c’est personne.
Les yeux bleus d’Olympe s’emplirent de larmes. Le Cramé se crut envolé dans un ciel de printemps noyé d’averse.
— De grâce… Il me châtie si cruellement, murmura la jeune fille.
Éclairées par la chandelle frémissante, quelques mèches échappées de sa mantille de dentelle brillèrent comme des copeaux d’or blond. Son visage à l’ovale parfait semblait taillé dans l’albâtre, tel celui de la Vierge qu’on suit en procession au mois d’août. Le Cramé faillit tomber à genoux et se retint de justesse au manche de sa pique. La jeune fille tira de son décolleté un mouchoir de fine baptiste, le tordit nerveusement. L’échancrure d’un corsage de soie pervenche se grava à tout jamais dans la rétine du marin. Un effluve de rose de Damas et de chair tendre envoûta son nez, accoutumé aux relents de fond de cale, aux charognes de rats et à sa propre et pestilentielle odeur. Le cœur du Cramé largua les amarres et sa raison chavira.
— Bon… mais traînez pas, marmonna-t-il en s’effaçant devant elle.
— Dieu vous bénisse !
Le Cramé eut une moue sceptique.
— Si vous êtes prise… Le Commodore jettera mes tripes aux mouettes dès le point du jour.
Olympe lutta pour arracher l’énorme loquet de fer à sa gâche creusée dans la roche. Le raclement du métal résonna dans le boyau de pierre. Le pirate et la baronne rentrèrent instinctivement la tête dans les épaules. Elle entrouvrit le battant, se faufila par l’ouverture dans un frou-frou d’étoffes et laissa le Cramé les yeux fermés, les narines écarquillées, voguer vent arrière sur un lit de plumes gréé de dentelles.
Mesdemoiselles de la Vengeance
Illustrations de François Place, éditions Gallimard Jeunesse, 2009
Cette histoire m’a demandé beaucoup de recherches, à moi qui ne vis pas au XVIIe siècle. Comment lever l’ancre d’une frégate ? Comment allumer une bougie au XVIIe siècle ? Comment étaient habillées les aristocrates ? Et les servantes ? Est-ce qu’on mangeait des pommes de terre en 1682 ? Combien mesure un pied ? En quelle monnaie payait-on ? Et combien coûtait un pain ? Etc. C’était un voyage dans le temps mais aussi dans l’espace car j’ai pris un immense plaisir à écrire l’océan et la côte de ma Charente natale, des falaises de la Gironde au port de La Rochelle.